Didier Depond Confidences sur Salon
Fruit d’un seul terroir, d’un seul cru, d’un seul cépage, d’une seule année… En un mot, unique. Il provoque des sensations rares et intenses, mais le boire reste encore le privilège de peu d’élus.
Didier Depond, né en Touraine et fils de vignerons, est tombé dans la marmite des vendanges quand il était encore adolescent. « J’ai toujours su que je travaillerai dans le vin, mais je ne savais pas que j’aurais la chance de diriger une aussi belle maison. » Car, aujourd’hui, la quarantaine chic et souriante, il poursuit sa voie de vigneron dans l’excellence. Dans l’exceptionnel, même. Il possède les clés du champagne le plus discret et le plus rare, Salon. Un nom qui fait rêver les connaisseurs et laisse de marbre la majorité des Français qui n’en ont jamais entendu parler. Et pour cause : Salon est exporté à près de 95%, dont une grande partie au Japon, premier importateur de la marque hors du commun. « Je m’y rends deux fois par an, explique Didier Depond, qui est accueilli là-bas comme une star. Les Japonais nous aiment, ils apprécient la qualité, mais aussi la philosophie que nous proposons à travers notre produit. » Car, si les champagnes Salon appartiennent aujourd’hui au groupe familial Laurent Perrier, ils restent fidèles à leurs principes d’origine, des principes inouïs dans le monde agité et pressé où nous vivons. Tout d’abord, fait absolument unique
Notes de dégustation Salon 1997
Le dernier millésime mis sur le marché présente une robe jaune pâle, presque nacrée et des bulles d’une finesse incomparable. Le nez, assez minéral, se caractérise par des touches de fleurs blanches (acacia, aubépine…). En bouche, cette minéralité devient presque saline, mettant en valeur l’aspect brioché, avec « un rien de pomme verte et de noisette », selon Didier Depond. Après une attaque franche, le vin devient très soyeux et délicat – « une sensualité de soie », affirme le maître des lieux. Un millésime très équilibré, profond et léger à la fois, pur et persistant. « A cette féminité raffinée, à ce mystère jaune pâle, il faut de ces mets qui allient rareté et beauté : la fraîcheur exquise des plus beaux fruits de mer, un carpaccio de coquilles Saint-Jacques, un homard à la vapeur et aux légumes de saison, un audacieux risotto à la fraise et au foie gras ou, plus simplement, un grand Parme, un grand Ibérico, ou un coeur de parmesan de trente-six mois », prône la maison Salon.
en Champagne, Salon se distingue par l’absence d’assemblage : alors que les vins de champagne sont constitués d’un mélange d’années différentes pour conserver un goût « maison » et non pas dépendant des aléas climatiques, ici, on millésime. Toujours. Mais pas chaque année. Seules les meilleures valent le coup d’être embouteillées. C’est pourquoi, en un siècle, seuls 37 millésimes ont vu le jour. Eugène-Aimé Salon l’avait souhaité ainsi. Cet homme, pur produit de la Belle Epoque, fréquentant la haute société, gentleman amateur de femmes et de champagne, ne voulait que de l’exceptionnel.
Champenois, il quitte la maison familiale à l’âge de douze ans et exerce divers métiers, dont ferrailleur, mais c’est en vendant des peaux de lapin qu’il connaît la fortune. Il est alors âgé de 25 ans. « Les champagnes qu’il buvait ne le satisfaisaient pas, il était extrêmement exigeant », précise Didier Depond. Il s’associe donc avec son beau-frère, qui travaille déjà dans les caves de Champagne, pour imaginer un vin efferves cent destiné à sa consommation personnelle et à celle de ses amis. Il ne songe même pas à le commercialiser. Il faut attendre 1920 pour qu’on le trouve chez Maxim’s, où ce noceur notoire avait sa table réservée à l’année. Le fameux restaurant resta son seul et unique client jusqu’en 1940. Curiosité supplémentaire, dès la première année, Eugène Salon décida de n’utiliser qu’un seul cépage, le chardonnay (ce « grand vin nature du Mesnil », comme il le baptisa, constitua donc le premier blanc de blancs de l’histoire de la Champagne), en choisissant exclusivement des premiers crus. « Les vingt parcelles de départ achetées par Eugène Salon sont toujours cultivées par les mêmes familles depuis un siècle », confirme Didier Depond. La taille de l’exploitation n’ayant pas changé, à peine 60 000 bouteilles peuvent être produites.
Ainsi, environ mille personnes prennent leur mal en patience, espérant être, un jour, référencés par Salon, afin d’obtenir une allocation qui leur donnera accès au précieux breuvage. Autre possibilité pour goûter cet exquis champagne : s’envoler sur Japan Airlines en première classe à destination de Paris, New York ou Londres. Didier Depond affiche avec modestie sa fierté d’être le gardien et l’ambassadeur de ce champagne qui se vend autour de 300 euros la bouteille – mais faut-il encore en trouver. Il est épaulé dans sa tâche par le maître de cave, Michel Fauconnet, comblé de passer son temps dans les vignes, pendant que Didier Depond parcourt la planète toute l’année. Ce qui unit les deux hommes ? Le goût de l’excellence et la persévérance. Car il en faut pour voir aboutir le fruit de leur travail, Salon vieillissant au minimum dix ans en cave, avant d’être mis sur le marché. Alors, aux heureux qui boiront un jour ce champagne incomparable, bonne dégustation !